La retraite reste un sujet tabou, aussi surprenant que cela puisse paraître. Dans une entrevue parue dans L’Humanité, Marie Agostini parle de son film documentaire sur le passage à la retraite, révélant que le sujet est particulièrement sensible. Bien plus délicat à aborder par rapport à l’alcoolisme, par exemple, un autre thème sur lequel elle a travaillé auparavant. Les gens ne veulent pas parler de cette transition de vie, alors que la retraite dure facilement un quart de siècle. Pourquoi ? Et comment changer cela ?
La vie de beaucoup de gens, notamment ceux qui sont à l’âge de la retraite aujourd’hui, s’est structurée autour du travail. Le quotidien est rythmé par les horaires au travail et les déplacements qui y sont liés. Une grande partie de la vie sociale s’articule autour de la sphère professionnelle. Et bien souvent, le travail donne son sens à la vie.
Par conséquent, le départ à la retraite constitue un grand chamboulement, avec un aspect essentiellement négatif. La peur de la retraite reste vive chez de nombreux travailleurs seniors.
Dans la mesure où le travail a structuré toute l’existence d’un individu, la fin de l’activité professionnelle peut être perçu comme une véritable perte. Perte d’un statut, d'une identité, des revenus, d’un cercle d’amis et de collègues… Et même une perte de sens. Le passage à la retraite représente ainsi une forme de deuil. Et il n’est jamais facile de parler d’un deuil.
Certains jeunes retraités peuvent même éprouver le sentiment d’être devenu inutile. D’autres, ayant travaillé toute leur vie, pourraient aspirer à passer à autre chose.
Quand Marie Agostini évoque la recherche de témoins pour son film, elle parle d’une femme qui a refusé d’y participer. Ancienne caissière qui faisant chaque jour un trajet de 3 heures pour aller au travail, celle-ci ne voulait plus parler de son travail ni de son départ à la retraite, car « elle en avait fini avec les obligations ». Le travail et la retraite sont alors considérés comme deux situations opposées, qui n’ont aucun lien entre elles. Comme s’il n’y avait aucune transition entre les deux.
Même si cette façon de voir semble valoriser la retraite en l’abordant comme une période de liberté, elle dénote un certain malaise puisque la personne refuse de parler du passage à la retraite. La transition reste donc un sujet difficile, toujours en raison de ce rapport structurant avec le travail.
Le passage à la retraite est peu évoqué dans les médias et les réseaux sociaux. Les préparatifs se résument aux calculs de taux et de la date de départ. Parfois, on parle de mutuelle santé pour seniors et de prévoyance. Mais très peu de projets de vie et de transmission. Le départ à la retraite est donc associé à une baisse de revenus (plans de retraite) et un déclin de la santé (mutuelles). Encore une raison de plus pour éviter de parler du passage à la retraite : cette période est considérée comme le début de la fin !
Parce qu’on n’aime pas parler de la retraite, il existe encore très peu d’accompagnements pour bien réussir cette transition. Les employés peuvent bénéficier d’une assistance dans les démarches administratives pour préparer la retraite, mais peu d’entreprises ont mis en place des formations pour renforcer les capacités des seniors. Il existe peu de processus pour faciliter le transfert de compétences et les échanges intergénérationnels.
Puisqu’il n’est pas courant de parler de la retraite, nous pourrions avoir tendance à intérioriser nos observations et à alimenter certaines croyances sans les remettre en question. En voyant l’expérience de nos parents et de notre proche entourage, nous construisons notre propre représentation de cette période de la vie.
Chez SAISON3, nous avons à cœur de parler ouvertement de la retraite. Parce que c’est important de comprendre ces histoires que nous nous racontons à nous-même. Elles sont parfois teintées d’appréhension, et nous limiter. Elles peuvent aussi être liées à nos aspirations profondes, nos ressources. Et là, elles nous aident à avancer et à appréhender la transition avec joie.
Les accompagnements SAISON3 utilisent l’approche narrative afin d’aider le jeune ou le futur retraité à se reconnecter à soi. Même en présence de récits négatifs et limitants, il est toujours possible de puiser en nous des histoires optimistes, grâce à des questions simples mais puissantes posées par le praticien.
Parler de la retraite, c’est reprendre le pouvoir sur cette transition pour aborder une nouvelle vie selon nos aspirations. Les conversations narratives nous font avancer vers une approche plus responsable et plus libre : en un mot, une retraite que l’on choisit. En retrouvant l’estime et la confiance en soi face à la retraite, il devient alors possible de commencer de nouveaux projets, d’ouvrir des portes, et d’avoir une vie personnelle et professionnelle qui nous ressemble et nous épanouit.