Pourquoi devient-on qui l’on est ?
Voilà un titre qui m’a paru, à l’évidence, être celui d’un ouvrage sur l’identité. Il ne m’en fallait pas davantage pour le joindre à ma sélection de printemps tant ce sujet me semble essentiel dans la transition vers la retraite.
En réalité, cet essai de sociologie revisite les thèses du déterminisme social à l'aune du parcours des « transclasses » : ces personnes qui ont réalisé une « ascension sociale » par leurs études et/ou leur métier.
A travers des histoires personnelles qui défient les statistiques, l'auteur illustre l'importance de la construction identitaire et du récit de soi dans les trajectoires de vie.
Mais, il pointe également une tendance à accompagner la mise en lumière de ces réussites d'un discours "doloriste". Le "dolorisme" consiste à justifier les difficultés rencontrées au cours de l’existence par les origines sociales et l’histoire familiale. Selon Gérald Bronner, ce type de récit ignore le fait que des origines modestes ou une enfance difficile puissent être une force et une source d'estime de soi, et ce, tout au long de la vie.
Ce voyage à travers la construction identitaire des personnes "transclasses", de leurs origines à leur trajectoire professionnelle, m'a vraiment intéressée. J’aurais aimé que l’auteur pousse sa réflexion jusqu’au moment de leur retraite voir au-delà, car son essai m'a inspiré de nombreux questionnements en lien avec la SAISON3...
J’ai pensé en lisant ce livre aux personnes qui, après la retraite, vivent une perte d’appartenance à un milieu social qui n’existait que par l’activité professionnelle. Privées de cette part d’identité, elles peuvent être très déstabilisées, surtout si cette appartenance leur apparaissait stable et profonde alors qu’elles découvrent brutalement son caractère mouvant et superficiel.
Gérald Bronner émet l’hypothèse que les personnes « transclasses » développeraient leur identité sociale et construiraient leur estime de soi d’une manière spécifique. Le nomadisme social permettrait de faire preuve d’une créativité particulière, d’une certaine liberté. Alors, permettrait-il une meilleure appropriation de la retraite ?
Car entrer dans la retraite, c’est entrer dans un nouveau monde social où les codes issus de la vie professionnelle ne sont plus opérants et dans lequel nous allons vivre en moyenne 25 années. Alors in fine, à quel point le milieu social professionnel est-il vraiment constitutif de notre identité comme on le pense lorsqu’on travaille ?
Pierre Blanc-Sahnoun, praticien narratif et auteur de "Comment rétrécir un dragon sans se brûler les sourcils", ed. Intereditions parle du passage à la retraite comme d’une « migration identitaire ». Je me demande alors si la question des origines, s’invite au voyage ? Comment cohabite-elle avec une vie d’adulte où la question professionnelle était prépondérante ? Quelle identité recomposée naît de ce mouvement ?
Je me suis souvenue également que le grand âge entraînait la réapparition des souvenirs anciens, parfois au détriment de la mémoire récente, comme un rappel des origines au crépuscule de la vie. Gérald Bronner explique dans son essai l’importance des premières impressions dans nos imaginaires. L’expérience de l’altérité avec les personnes âgées et l’imagerie du vieillissement nées dans l’enfance vont alors nous accompagner dans notre avancée en âge.
A quel point vont-elles influencer la trajectoire de la SAISON3 et des suivantes ?
L’auteur fait référence au processus psychosociologique nommé « prophétie autoréalisatrice » qui décrit l’importance du récit narratif (l’autofiction) sur ce qui advient réellement dans la vie des individus.
Alors, quel récit narratif nous faisons-nous du vieillissement ? Au-delà des déterminismes, comment constitue-t-on la fiction de soi-même jusqu’à la mort ?
L’auteur nous livre une clé à explorer : le sentiment de singularité et l’estime de soi semblent être des ingrédients pour une autofiction positive.