Comme toute chose dans l’univers du vivant, la vie humaine a son propre cycle. Il se définit par des transformations biologiques qui accompagnent la naissance, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte, la vieillesse et la mort.
Dans les sociétés traditionnelles, ces étapes de la vie humaine cohabitaient avec d’autres cycles naturels (saisonnier, lunaire...) qui guidaient les individus dans leur action quotidienne.
Avec l’entrée dans la modernité, la volonté de l’homme de maîtriser la nature et de s’en affranchir a transformé la manière de concevoir le temps. Les cycles naturels sont mis à distance, au profit d’un triptyque passé - présent - futur qui compose l’Histoire. Cette nouvelle perception temporelle s’accompagne d’une organisation linéaire de la vie, constituée d’étapes à suivre : naissance, études, mariage, travail, vieillesse et mort.
Le social prend le pas sur le biologique pour définir les cycles de la vie et organiser la vie quotidienne.
Dans ce sillon est née la retraite, expression de la solidarité nationale envers les plus âgé.e.s. Le passage à la retraite (social) s’est alors substitué au passage vers la vieillesse (biologique). Pendant des décennies, ils ont cohabité sans grande dissonance car l’entrée dans la retraite coïncidait peu ou prou avec les signes biologiques du vieillissement. Cette histoire explique en partie le peu d’intérêt pour documenter et accompagner cette étape de la vie, perçue comme proche de la vieillesse et de la mort.
Mais depuis sa mise en place, le passage à la retraite s’est décorrélé progressivement de la vieillesse, du fait de l’allongement de l’espérance de vie.
Selon les projections de l’INED, on pourrait comparer le temps restant à vivre entre une personne de 65 ans en 1950 et celui d’une personne de 78 ans en 2050. Cette tendance cache toutefois de grandes inégalités et s’est ralentie dans les dernières années.
Quoi qu’il en soit, prendre sa retraite en 2023, c’est d’abord poursuivre sa vie d’adulte qui jusque-là, était fortement structurée par le travail. Le métier et l’activité professionnelle façonnent nos journées mais aussi notre identité. Recomposer sa vie après le travail, dans une société qui mélange encore retraite et vieillesse, est un défi personnel qui mérite d’être considéré à sa juste valeur.
Et ce défi s’inscrit dans une période singulière pour l’humanité.
L’émergence d’une conscience collective des limites planétaires et de l’anthropocène réinterroge les mythes fondateurs de la modernité. De plus en plus de personnes retrouvent un intérêt profond pour les cycles naturels comme guides pour leur propre équilibre. L’héritage des sociétés traditionnelles apparaît désormais comme un cadeau précieux pour une humanité sommée de retrouver la paix avec le reste du vivant.
Est-ce une piste pour se réinventer à la retraite ?
A chacun.e d’écrire sa propre histoire, libéré.e des contraintes professionnelles et encore à bonne distance de la vieillesse.