Dernière mise à jour : 9 déc. 2023
Jeune femme, Aline s’épanouit comme directrice de clientèle dans une agence de publicité parisienne à taille humaine. Quoique chronophage c’était un milieu « rigolo » ! Devenue maman de deux enfants, elle se rend compte qu’il est pour elle « hors de question de ne pas les élever ». Aussi, après 15 ans de salariat, Aline se met à son compte : elle travaille toujours dans la pub, mais depuis chez elle. Elle jongle mais elle est là pour aller les chercher à l’école, pour l’aide aux devoirs, les bains et tant d’autres moments précieux qui ne lui échappent pas. Les enfants grandissent. Et alors qu’ils ont respectivement 4 et 9 ans, Aline divorce. Nécessité oblige : la voilà qui reprend le chemin du travail salarié, cette fois dans une filiale d’Havas, avec quelque 200 salariés. En une dizaine d’année, l’atmosphère a bien changé : si l’investissement horaire est toujours conséquent, elle n’y retrouve pas l’ambiance joyeuse de ses jeunes années. Bien qu’appréciée par ses collègues, elle sent que son plaisir au travail s’émousse.
Pour pallier son découragement, la dynamique quadra met à profit ses RTT. Elle prend des cours de chant, renouant ainsi avec les souvenirs heureux de son enfance. Elle faisait alors de la danse, du piano, du solfège… Et la musique était à l’honneur dans le quotidien de sa grande fratrie de 7 enfants. Pendant les repas, la famille entonnait à plusieurs voix de nombreuses chansons parmi lesquelles la Mélodie du bonheur. Peu à peu, l’heure hebdomadaire de chant, passe-temps pour atténuer les insatisfactions professionnelles, se mue en activité passionnée : Aline prend deux ans de cours, intervenant même dans des diners-spectacle !
À la cinquantaine, bien que protégée par son statut de déléguée du personnel, elle est sur la sellette et de plus en plus mal à l’aise au bureau. Pas du genre à se laisser abattre, elle prend le taureau par les cornes et consulte un avocat pour négocier son départ. Un compromis est trouvé. En échange de son départ en 2003, elle obtient 6 mois de salaire et peut choisir une formation par le biais du Fongecif. En tant que cinquantenaire, elle bénéficiera aussi d’indemnités de chômage pendant 3 ans.
C’est en rangeant son bureau pour quitter l’agence, qu’elle retrouve un petit guide intitulé Chanter à Paris qu’elle avait conservé pour le diffuser auprès de ses collègues dans le cadre de la mise en place de leurs RTT.
Y voyant un signe, elle décide de passer le concours d’entrée de l’Institut for Artistic and Cultural Perception (école de jazz dont la pédagogie peu académique est basée sur la perception de la musique). Grâce à sa pratique, elle est intégrée en octobre 2003.
Pendant un an, elle alterne des cours de solfège à l’oreille, de chant, d’improvisation, de piano, d’interprétation scénique, de polyphonie et des séances avec des musiciens… C’est d’autant plus intense que chaque soir, elle doit préparer des chansons pour le lendemain. Mais Aline adore ça. Comme elle adore les personnes qu’elle y rencontre et dont beaucoup deviennent des amis. Une fois sa formation finie, elle a tellement soif de continuer qu’elle propose à l’école de se charger de l’accueil en échange de… cours supplémentaires.
Et en 2004, elle a la satisfaction de percevoir son premier cachet pour une prestation !
Voilà qu’arrive trop vite la dernière année d’indemnités de chômage. Et, tout en s’occupant de ses petits-enfants si besoin, l’énergique quinqua se démène pour se produire. Pour ce faire, elle monte une équipe de musiciens susceptibles de l’accompagner dans ses tours de chant sous le nom d’artiste de Lily’s Jazz. Et elle démarche…
Son premier prospect et acheteur, une maison de retraite à côté de chez elle, l’incite à développer des répertoires moins « jazz » plus adaptés à sa clientèle en construction. C’est ainsi que Lily’s Jazz se construit un catalogue de chansons françaises des années 1930 à 1960 afin d'attirer des publics séniors auprès desquels elle se produit, notamment à travers des associations dédiées, mais aussi de proposer ses prestations lors d’anniversaires, de mariages ou dans des bars lors de la Fête de la musique. Elle ajoute encore une corde à son arc en donnant des cours de chant collectif auprès d’ados et d’adultes.
Ses cachets de plus en plus nombreux lui permettent bientôt d’obtenir le statut d’intermittente du spectacle.
Après avoir pris conseil, Aline à 62 ans, décide de prendre officiellement sa « retraite ». Hors de question pourtant de mettre fin à son activité. En créant illico son autoentreprise, elle peut la poursuivre « pour le plaisir », même si cela lui permet aussi de « mettre du beurre dans les épinards ».
Finalement, alors qu’elle est engagée dans la soixante-dizaine et que ses petits-enfants sont désormais autonomes, elle choisit de quitter Paris et s’installe à Courseulles, son coin aimé de Normandie. Ce serait mal connaitre son formidable dynamisme que de croire qu’elle a profité de ce déménagement pour tout arrêter ! Que nenni… Là-bas, elle continue sur sa lancée : elle rencontre de nouveaux musiciens, monte une équipe et recrée une activité, développant un nouveau réseau de clients. Elle se produit d’ores et déjà lors de manifestations locales, et parmi mille projets, elle envisage de monter une chorale locale avec des séniors.
Aline alias Lily’s jazz conjugue aujourd’hui à sa légendaire énergie et à sa joie de vivre, le plaisir de s’être réinventée tout en donnant du plaisir aux autres. Son conseil absolu : ne jamais écouter les discours grincheux du type « mais t’es complètement folle, à ton âge, tu n’vas pas faire ça » dont « les rabats joie » frileux l’ont abreuvée, mais « continuer d’aller de l’avant et de faire ce qui nous plait à tout âge ».